Mieux s’outiller afin de changer le discours sur les génitalités
En janvier 2019, Le Quartier de l’innovation de Montréal a sélectionné SEX-ED + comme start-up du mois.
Cette reconnaissance vient avec un très bon article, on remercie la journaliste Isabelle Langlois pour son travail.
Travaillant dans le domaine de la défense des droits sexuels et reproductifs depuis plusieurs années, la chercheuse Magaly Pirotte savait que son milieu manquait d’outils anatomiquement exacts des organes génitaux. La réalisation de la première modélisation 3D d’un clitoris complet par une collègue en 2016 l’a motivé à combler ce besoin. C’est ce qui entraîna l’activation de SEX-ED +, la première startup à proposer des supports pédagogiques présentant le vaste spectre des génitalités.
Oubliez les planches anatomiques ou les modèles en coupe, l’initiative expose à la place des organes complets, de tailles réelles, facilement manipulables et basés sur de vrais corps humains. La fondatrice s’est donné comme objectif de représenter autant les organes femelles, mâles, intersexués, trans, avec chirurgies volontaires ou involontaires par impression 3D ou par moulages.
Même si le projet est né depuis près de deux ans, la vente officielle des outils de SEX-ED + a commencé qu’en septembre dernier. Magaly Pirotte souhaitait avoir suffisamment de modèles d’une part et son processus exploratoire nécessita beaucoup d’énergie par son caractère innovateur. « J’ai commencé dans ma cuisine par essais-erreurs. En me basant sur les techniques d’effets spéciaux en cinéma, comme celles de moulage sur les humains, j’en ai développé de nouvelles pour créer des outils qui sont utilisables dans un contexte pédagogique ou médical. »
L’enthousiasme du public et la forte demande du milieu l’ont poussée à voir plus loin. Sa production artisanale se transforma en un investissement à temps plein. Aujourd’hui, elle fabrique, de son atelier montréalais, des outils distribués à travers le monde. Sa clientèle est aussi variée que ses moulages : universités médicales, commissions scolaires, cliniques et centres de planification familiale.
Plus que de la simple fabrication d‘objets, SEX-ED + met de l’avant son expertise pratique et théorique autour de l’éducation sexuelle, ce qui fait la force et l’unicité du projet. « Je suis en collaboration étroite avec les milieux scientifiques et de défense de droits afin d’être à la fine pointe de la recherche sur les anatomies génitales. »
Elle dénonce particulièrement le manque de connaissance par rapport à l’ensemble des génitalités, une réalité qui peut causer des situations particulièrement dérangeantes. La mise en commun d’expériences de femmes présentant des variations génitales suite à une excision a prouvé qu’elles peuvent devenir des modèles vivants malgré elles. « Lorsqu’elles vont en gynécologie par exemple, elles attirent toute l’aile médicale parce que personne n’a vu ce qu’elles ont entre les jambes avant. L’idée est de se donner des outils pour que les gens développent leur connaissance des corps avec un morceau de silicone au lieu d’un humain qui a des émotions et une dignité. »
Le premier modèle qu’elle a développé avec SEX-ED + fut celui d’une vulve avec clitoris amovible pour des unités médicales qui travaillent en reconstruction clitoridienne pour les femmes excisées. « Même dans ce contexte médical extrêmement précis, les professionnels de la santé n’avaient pas d’outils afin d’intervenir avec leurs patientes. C’est aussi le cas des cliniques qui travaillent avec les personnes trans. Ils ne détiennent pas de moulages qui présentent une vulvoplastie ou phalloplastie. » L’éducation et l’intervention auprès de personnes cisgenres, trans, intersexes ou celles qui possèdent d’autres types de génitalités posent alors problème. Autant l’éducateur, l’élève, le professionnel de la santé que le patient peuvent avoir de la difficulté à parler avec exactitude des parties intimes.
Pour l’instant, Magaly Pirotte a collecté une quinzaine d’organes génitaux différents. Elle souhaite rassembler une trentaine de modèles en tout d’ici la fin de 2019. Son objectif atteint, la fondatrice débutera la deuxième phase de SEX-ED + qui consiste à créer la première banque en 3D d’organes génitaux en ligne. « Quelqu’un qui travaille en reconstruction génitale au Congo peut difficilement s’acheter les outils que je fabrique à Montréal. Tout comme Odile Fillod avec sa modélisation de clitoris 3D, mes modèles seront disponibles gratuitement et n’importe qui pourra les imprimer. »
La concrétisation ultime de SEX-ED +? Faire de l’éducation sexuelle une éducation anti-oppressive.
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